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Entretiens : Jean-Paul II
D'autres sujets, tels que la biographie de Jean-Paul II (Karol Wojtyla, 2001), sont directement en prise avec l'idéologie catholique promue par le journal Il Giornalino ?
C'est un projet scénarisé par Toni Pagot, un des frères Pagot avec qui j'ai débuté dans l'animation. Cela a été publié en épisodes dans le Giornalino avant de paraître en album.
Le scénario de Pagot avait-il été supervisé par la hiérarchie catholique ?
Je ne sais pas, mais je suppose que oui.
Comment cette bande dessinée a-t-elle été reçue ?
Je n'ai pas été excommunié ! (Rires) Je suppose que le directeur, Don Antonio Tarzia a été satisfait puisqu'il m'a fait recevoir en audience publique par le pape au Vatican. Il avait fait relier une édition de la bande dessinée en peau de chamois blanc et l'a transmise au pape. Elle doit sans doute être dans une de ces salles du Vatican où s'accumulent tous les cadeaux. Pour la première fois de ma vie, chose que je n'aurais jamais imaginée, j'ai été reçu avec mon épouse à une audience pontificale. Je dois avouer que c'est impressionnant, le personnage, l'architecture, le cérémonial... Plus tard, après la prépublication, le Giornalino en a fait des éditions en de nombreuses langues, mais les droits internationaux avec ces maisons d'édition confessionnelles sont plutôt restreints... Tout le monde n'a pas apprécié : le Times a fait un article critique là-dessus : « Où allons nous ? La vie du pape en BD ! » (Rires) D'une certaine manière, c'est une consécration !
Racontez-nous votre audience au Vatican. Comment cela c'est-il passé ?
Comme je vous le disais, c'est plutôt impressionnant, tout est fait pour cela. Vous êtes reçu dans une grande salle où tout est mis en scène pour mettre le pape en valeur. C'est une architecture qui personnellement ne me plaît pas, et là on se retrouve avec toutes les délégations qui sont reçues, il y avait des Polonais, des Lituaniens... Et à un moment, au fond de cette immense salle conçue pour centrer les regards, nous avons entendu des couinements et vu arriver le pape sur une chaise roulante. Avec autorité, le pape s'est hissé lui-même sur son siège curial et, que l'on soit croyant ou non, c'était impressionnant de voir l'énergie de ce vieillard malade. J'ai vu autour de moi de gros baraqués qui pleuraient d'émotion comme des fontaines. Le pape nous a gratifié alors de sa bénédiction. On se rend compte en faisant ce genre d'expérience de la puissance de l'église.
Ensuite, il y a eu également des expositions qui ont tourné avec les planches de cette bande dessinée...
Le directeur du journal les a effectivement faites tourner en Italie, ainsi que pour Les JMJ à Cologne l'été dernier avec le nouveau pape, ainsi qu'à Cuba ! Mais bon, je ne suis pas cela de très près... Même si tout cela est bien marginal, cela montre aussi à quel point l'église reste une puissance gigantesque, même sans divisions, ni chars de combat ! Pour revenir au Giornalino, du temps où il était bien fait c'était une publication de qualité pour la jeunesse qui n'avait pas d'équivalent en Italie. D'autres grands groupes de presse très riches, comme le Corriere della sera n'ont jamais fait l'effort de créer de journal de bande dessinée digne de ce nom.

© Dauphilactère & Sergio Toppi