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Le collectionneur
Dans la revue L'Eternauta, vous commencez en 1982 avec Il Calumet di pietra rossa la publication de ce qui allait devenir une série mythique

Comment est né le personnage du Collectionneur ?

C'est un peu difficile à raconter, je ne voulais pas d'un personnage de héros classique redresseur de torts, un bellâtre blond avec une houppette et de gros biscotos. Je voulais m'éloigner de ces clichés rebattus... Au départ cela s'est fait sur une incitation de mon éditeur Sergio Bonelli. Pour la collection « Orient Express », il avait demandé à chacun de ses dessinateurs de créer un personnage qui reviendrait sur plusieurs albums. Il avait insisté auprès de Battaglia et moi, car nous étions connus pour n'avoir pas de héros récurrent. C'est ainsi que Battaglia a créé son inspecteur Coke. Bonelli nous avait laissé entière liberté de création. Pour revenir à la genèse du personnage il y avait aussi un petit côté revanche sur la vie : lui est désinvolte, je ne le suis pas, il a de longues jambes, moi je suis courtes pattes ! Tout lui réussit dans la vie, ce n'est pas mon cas... En quelque sorte c'est donc une revanche. Certains disent qu'il est méchant... Et qui vous dit que je ne le suis pas ? !
Dans un ouvrage consacré à votre œuvre paru l'an dernier en Italie, j'ai été étonné de voir que les hommages rendus par vos collègues dessinateurs faisaient quasiment tous référence au Collectionneur. Ce qui tendrait à montrer son impact profond par de-là les années...
Certes, mais c'est une frange bien particulière de notre lectorat. Mais, il est vrai que j'ai pu constater ces dernières années qu'il est toujours présent dans les mémoires, il y a même de très jeunes lecteurs, cela me surprend... Agréablement.
Contrairement aux héros classiques votre Collectionneur n'a, à ses côtés, aucun personnage secondaire, pas d'ami ni de serviteur...
Oui, je l'ai voulu ainsi, notamment parce qu'il s'agit d'un personnage extrêmement individualiste. Il se suffit à lui-même, il n'a pas besoin de faire valoir.
Ce faisant ne perd-il pas un peu d'humanité, de profondeur psychologique ?
Je ne saurais le dire. Pour être sincère, je ne me suis jamais posé cette question. Le fait que mon personnage surgisse de nulle part et disparaisse dans le néant, contribue à son aspect mystérieux voire fascinant... Pour autant qu'il le soit ! Dans le seul épisode où il va donner quelques informations sur lui-même (Le Calumet de pierre rouge) ce sera de façon extrêmement succincte, il nous dira seulement qu'il est immensément riche, qu'il a des plantations de thé, une collection... Mais rien de plus ! Quelques lecteurs, qui se sont penchés avec attention sur lui, ont conclu qu'il était Anglais. Pour moi, il ne l'est pas même s'il est élégant et excentrique par certains côtés. Rien ne permet d'assurer qu'il soit britannique, c'est cet aspect mystérieux qui me plaisait. Un de mes livres de prédilection c'est Les Trois mousquetaires, pour moi, une grande partie du charme tient à ce qu'à part d'Artagnan, on ne sait rien des trois mousquetaires. Lors d'un duel contre des Anglais pour une stupide raison d'étiquette, ces derniers veulent savoir à qui ils ont à faire, ils ne peuvent s'étriper qu'entre gentilshommes, Athos décline ses titres à l'oreille d'un Anglais et lui dit que maintenant qu'il sait, qui il est, il sera contraint de le tuer... À cet instant, on ne connaît pas encore l'identité des trois mousquetaires et ce mystère m'avait proprement emballé ! C'est beau non ?

 
 
 


© Dauphilactère & Sergio Toppi