Poursuivons à présent avec l'éditeur Mosquito qui met, ce mois-ci, les petits plats dans les grands en publiant deux livres élégants au ton et au contenu résolument différents, dans sa collection Raconteur d'images.
Commençons par le plus surprenant, Travail au noir et en couleurs, un ouvrage rassemblant un grand nombre d'illustrations d'un des dessinateurs les plus atypiques et les plus rares de la bande dessinée française, MEZZO. Auteur de trois one-shot (Deux tueurs, Un monde étrange, Mickey-Mickey) et d'un diptyque (Les désarmés) réalisés avec Michel Pirus, MEZZO dévoile ici un autre aspect de son travail, celui des travaux publicitaires, des couvertures de romans, de fanzines ou de magazines.
L'ambiance, si particulière, présente dans ses bandes dessinées, est ici condensée en quelques superbes crayonnés ou illustrations noir et blanc ou couleurs. Une grande partie d'entre elles est accompagnée d'un bref commentaire qui met en perspective le contexte de création de l'oeuvre et y apporte un éclairage intéressant, même s'il penche parfois vers l'anecdotique (ce n'est pas une critique, juste un constat).
L'univers de MEZZO doit autant à l'underground, qu'à celui des cartoons ou à l'esthétique du film noir américain. Mais le génie de l'auteur vient qu'il y intègre souvent des visions fantasmagoriques et cauchemardesques renouvelant par là-même ces genres surcodifiés. Il ne se contente donc pas de recracher passivement des influences glanées ici et là, mais sait les exploiter pour nous transmettre un imaginaire unique où l'inquiétude règne en maître.
En effet, dans ce carnet, tout sent la tension et la nervosité. Son trait épais au pinceau et les aplats de noirs sont si denses qu'ils laissent à peine respirer le blanc du papier, noyé dans un océan d'encre de Chine. Mezzo excelle dans la peinture des ambiances nocturnes. Chez lui, les formes naissent de l'obscurité, dans une lumière cassante ou rasante surgissant du plus profond des néants. Inutile de chercher plus loin la puissance de ses compositions. Au même titre que Druillet, Mezzo est un dessinateur baroque dont l'œuvre peut désarçonner le grand public, mais dont on ne peut s'empêcher de saluer la qualité intrinsèque.
L'avis des Bulles, janvier 2002, n°37