On retrouve le personnage central de l’opus précédent : Oskar Arpad , il est présenté comme un héros ayant « sauvé la planète », mais rapidement la narration suggère que la mémoire collective (et ses promoteurs politiques et idéologiques) peut embellir, enjoliver, voire travestir ce qu’a été réellement l’action de ce héros. Cette tension entre le mythe et la vérité (ou du moins les zones d’ombre) donne une belle profondeur au récit.
L’auteur Francesc Grimalt, est né à Palma de Majorque en 1971, a étudié les Beaux-Arts et la philosophie à l’Université de Barcelone et de Paris, il se dédie actuellement à l’enseignement, à l’illustration et à la conception de projets audiovisuels, ainsi qu’à sa série d’albums illustrés Los Niños Raros.
Dans cette préquelle à son album de 2022 Grimalt joue clairement sur la désillusion et la distance : on n’est pas dans une épopée triomphale, mais dans une relecture, un retour sur ce qui a été raconté, ce qui pourrait être vrai ou non, et ce que cela laisse derrière soi. Ce glissement d’un récit héroïque vers une forme de mélancolie ou de déréliction du souvenir crée une atmosphère poétique, avec un petit goût amer, on pense parfois au climat du Dune de Frank Herbert…
Le scénario va à l’essentiel avec une économie de pages bien pensées : on alterne entre moments de narration, qui installent le mythe, et des scènes plus interrogatives et fantastiques avec cependant une certaine complexité qui rend une relecture nécessaire pour bien comprendre tous les enjeux.
Grimalt apporte un soin certain à la mise en scène et à la lisibilité des planches. Son style parfois caricatural met en abîme la fatuité des militaires. Il joue sur le contraste des couleurs pour suggérer l’opposition entre le royaume de Zalsunda et le monde des Valhaur, ce dernier donne lieu aux plus belles pages d’un album riche et complexe.
Fantômes de Zalsunda est un fort bon album de science-fiction avec un aspect introspectif qui mise sur le mystère, le doute, et la manière dont les récits collectifs (et les récits officiels) peuvent altérer la mémoire d’un événement ou la figure d’un héros.
Ce glissement du mythe vers la désillusion est des forces de l’album qui aura on le souhaite des prolongements tant l’univers décrit semble riche mais pas encore totalement exploité...
par Stéphane GROBOST
Stéphane GROBOST (Actua BD)