Dès la première page, le sentiment de tenir un album de qualité s’impose, grâce notamment à une pleine page sombre, montrant un homme au torse nu, allongé, presque uniquement éclairé par le rouge incandescent de la cigarette qu’il fume. L’effet « toile », géré numériquement, laisse entrevoir la qualité de traitement de l’artiste. On croirait presque voir le saint suaire prendre vie… Alessandro Manzella, peintre numérique travaillant pour les cartes de jeu et résidant à Bologne, a su développer un style graphique de toute beauté, rappelant les œuvres de peintres tels Scott Hampton ou Ashley Wood. Ses grandes cases font exploser nos rétines, soit en pleine page, soit réparties en trois ou quatre bandes successives, toujours aérées, dans des tons sombres, voguant entre le vert et le rouge. Maîtrisant la technique, il a su se mettre au service du récit écrit par Luigi Boccia, auteur, scénariste et réalisateur, qui est par ailleurs responsable de la revue Weird Tales aux États-Unis. Tous deux aiment donc le fantastique et cela se ressent. Débutant telle une enquête à la Dylan Dog, avec la découverte d’un premier crime, le thriller est dirigé progressivement vers une piste inattendue, nous projetant vers quelque chose de plus radical encore. Le ton est sérieux, mais fluide, autant que le style de peinture sombre et très moderne utilisé peut le permettre. Très comics dans le ton et le style (on pense un peu à Hellblazer), l’album est refermé avec le sentiment d’avoir réalisé une superbe lecture, et d’avoir pris une claque visuelle. Les éditions Mosquito peuvent être fières d’avoir repéré ces deux-là et surtout cet artiste résolument adapté à la bande dessinée, que l’on espère revoir très vite dans le domaine.
Planète BD (Franck Guigue)