La lecture d’un album de Sergio Toppi est toujours un moment intense et émouvant, passionnant mentalement tout autant que visuellement. Ce Momotaro ne fait donc pas exception, les éditions Mosquito continuant leur beau travail d’édition – de plus en plus intégrale avec le temps – de l’œuvre de ce génie de la bande dessinée. L’album nous transporte dans le Moyen Âge japonais. Ichiro, un bûcheron habitant dans la forêt, va recueillir un bébé qui a réchappé à un massacre perpétré par les guerriers de Washizu, être malfaisant qui a renversé le bon prince Shimura et qui invoque l’aide de démons pour régner en maître absolu. Le bébé devient jeune enfant, baptisé « Momotaro » par Ichiro, et grandit dans la forêt où il apprend le langage des animaux, ce qui lui permet notamment de devenir ami avec un renard qui va le suivre dans ses futures pérégrinations. Car le temps passe, et Momotaro doit maintenant quitter le foyer et découvrir le monde pour devenir un homme...
Cette quête initiatique va mener le jeune homme et le renard sur des chemins dangereux, jusqu’entre les griffes de Washizu...
Parmi les œuvres de Toppi, Momotaro fait partie de ses quelques créations plutôt bienveillantes, tendres et merveilleuses ; certes, il y a des méchants vraiment très méchants, et la condition injuste de servitude du peuple n’est pas cachée, mais on y trouve moins de cynisme que d’habitude, moins de mordant, comme si Toppi s’était totalement laissé aller au plaisir du conte dans sa plus pure tradition, non pas avec recul et critique mais dans la crudité des faits et de la symbolique. On le sent lui-même émerveillé par l’histoire qu’il a dessinée, que ce soit à travers l’amitié et les dialogues de Momotaro et du renard ou bien la représentation du fantastique et de ses démons nippons. On sent que Momotaro fait partie des œuvres plutôt tardives de Toppi, par son trait plus lâché, mais son travail d’orfèvre est toujours là, magnifique. Ici, ce sont principalement les arbres et les costumes japonais qui donnent à Toppi l’occasion d’expérimenter ses motifs et conglomérats de hachures devenant miraculeusement texture puis représentation. Certaines végétations y sont sublimes, comme cet arbre majestueux que vous pourrez admirer en page 19 si vous achetez l’album ; mais le minéral n’est pas en reste avec des roches extraordinairement ciselées par la plume de l’artiste. Un très joli conte, mais surtout une très touchante et forte histoire d’amitié entre un petit garçon et un animal...
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