têtière éditions mosquito

Extraits de Caza

Gandahar

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Nous en arrivons à Gandahar. Commencé dans les années 70, il ne fut terminé et ne vit le jour qu'à la fin des années 80. Quelle fut sa genèse ?

René Laloux m'a contacté en 1974 ou 1975, un an ou deux après la sortie remarquée de La Planète sauvage, donc. Il connaissait mes illustrations pour Opta et les premières pour J'ai Lu, et m'a donné à lire le roman d'Andrevon Les Hommes-machines contre Gandahar, paru chez Denoël en 1969. J'ai trouvé que l'histoire se prêtait bien à un traitement visuel. D'ailleurs, pour Andervon ça avait d'abord été un projet de BD. J'ai commencé à faire un certain nombre de dessins préparatoires qui ont servi à René à monter un dossier de projet. Mais le producteur qu'il a trouvé ne pouvait pas amener la totalité du budget, il fallait donc envisager des coproductions, et, pendant des années, il y eut plusieurs tentatives en ce sens, tentatives qui n'aboutissaient jamais. Entre temps, il a commencé Les maîtres du temps avec Moëbius, et a monté un studio à Angers, en 1977. Là, nous avons commencé à travailler sur un pilote de Gandahar, avec entre autres Philippe Adamov, tout débutant au décors et puis plus rien. Partant sur un budget moindre puisque, à la base, c'était un projet télé, Les maîtres du temps à été monté plus facilement...

Métal hurlant (et la question du style)

Sur ces entrefaites, vous entrez à Métal Hurlant...

Quand Métal est apparu, en 1975, j'ai tout de suite été pour ! Et j'ai eu envie d'en être, d'autant qu'à Pilote, ils avaient suffisamment de SF. Je connaissais un peu Dionnet et quand j'y suis allé, il m'a pris tout de suite ce que je lui proposais. J'aimais bien l'esprit de la maison, ce bouillonnement provocateur, dionysiaque ! En revanche, les finances ne suivaient pas toujours... Mes collaborateurs ont donc été sporadiques, mais j'avais toujours envie d'y revenir. Pendant quelques années, Métal a été le magazine phare de toute une génération. Chaque chose qu'on y faisait marquait son époque. Philippe Maneuvre le disait lui-même, ce prétentieux : "Nous faisons l'Histoire !" Et c'était vrai !

J'ai une tendresse toute particulière, et d'autres avec moi, pour ce que vous faisiez dans les années 70. Etes-vous d'accord pour dire que c'est à cette époque que vous faisiez vos oeuvres les plus léchées ?

Ah ! je n'aime pas du tout ce terme de "léché", quelle horreur ! Ca me fait penser aux trucs qu'on voit dans les vitrines des coiffeurs ! On ne va pas se fâcher pour ça, mais j'aimerais développer un peu cette question qui me tient à coeur, qui concerne sans doute l'art en général, et la perception de l'art. C'est vrai, oui, mes oeuvres les plus "chiadées", je préfère, sont parues dans Métal à cette époque et se retrouvent dans l'album Arkhê : "l'oiseau-poussière" et "Arkhé", en particulier. On me dit parfois que ce sont mes chefs-d'oeuvre. Je suis d'accord si on prend chef-d'oeuvre au sens des Compagnons, c'est à dire le travail de fin d'étude d'un artisan, le travail dans lequel il met toute sa technique, avec lequel il veut montrer tout ce qu'il sait faire... Des trucs comme ça, on ne les fait qu'une fois, c'est un luxe qu'on se paye!
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Les années J'ai Lu ... et les techniques d'illustration

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Vous étiez loin de vous douter que vous travailleriez autant pour cet éditeur ?

C'est vrai. A partir d'un moment, j'ai de moins en moins travaillé pour Opta, qui de toute façon s'effondrait lentement, et de plus en plus pour J'ai Lu, à tel point que je suis devenu petit à petit leur illustrateur principal, un pilier de la maison? Là, en 2000, je ne dois pas être loin des 150 couvertures.

Quel plaisir prenez-vous à la réalisation de ces couvertures ?

J'aime bien ça parce que j'aime les livres, et de SF en particulier... C'est l'occasion de rendre aux livres un peu de ce qu'ils me donnent. J'y vois un jeu, un pari... il faut à chaque fois trouver quelque chose qui serve le livre, l'éditeur et moi-même. Le jeu est de trouver dans un texte ce qui résonne en moi, ce qui va... m'inspirer (je n'aime pas ce mot), m'exciter, me faire vibrer, me donner envie de produire un dessin... Il y a aussi ce challenge d'assurer absolument quelque chose à partir d'un texte que je découvre, et que je n'aime pas forcement... C'est aussi l'occasion d'expérimenter des techniques au coup par coup... avec ou sans cerné, à l'encre ou à l'acrylique opaque, à l'aéro, en bidouillant l'ordinateur... Et puis, c'est un enrichissement de mon propre vocabulaire thématique et visuel, de mon propre univers. Ce que je prends ainsi dans les bouquins va se retrouver ensuite dans mon travail plus personnel de BD.
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