têtière éditions mosquito

Extraits de Héros et Bovins

Ah les vaches !

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Non, cela n'a rien à voir avec mon enfance à la campagne ! En fait j'ai toujours aimé ces animaux, j'aime les dessiner. La vache est un animal très intéressant à travailler, d'une architecture bien complexe. Contrairement à ce que l'on pourrait penser c'est plus délicat à dessiner que les chevaux. Et à part dans les bandes dessinées du début de ma carrière, j'ai eu peu l'occasion d'en représenter.

Faire des illustrations pour le plaisir ne m'intéresse pas, mon activité de dessinateur est quasiment tournée vers la bande dessinée. Et puis, une série de vaches n'aurait pas, en soi, intéressé le lecteur. Alors, entre la production de deux albums, j'ai réalisé ces dessins avec, en guise de clin d'oeil, un de mes personnages principaux ou secondaires. Ce sont au départ aussi les vaches que je vois chez moi, en été, dans le Limousin, puis bien sûr le jeu a été de faire une sorte de tour du monde des diverses races bovines en les associant aux personnages.

Barney Jordan

Lui est né d'un personnage de troisième plan d'un album de Jean Giraud. Il y avait près du héros, à un moment, un rouquin barbu. Ce figurant m'a tiré l'oeil et je me suis dit qu'en le modifiant, en l'enrichissant, il pouvait devenir intéressant. C'était le point de départ. Greg me laissait toute latitude pour camper les personnages, ses indications donnaient une direction. Ici, en l'occurrence, il voyait un type court sur pattes, un peu costaud, barbu, fumant la pipe... A moi de mettre de la chair autour. Il ne m'avait pas fait de croquis, car quand il lui arrivait de m'en faire, ils m'étaient de peu d'utilité car ils étaient dans le registre humoristique. Comme nous travaillions en studio, la plupart du temps il me donnait les explications de vive voix. Le personnage campé, il ne me faisait aucune remarque... Bien qu'au début il ait bien failli me foutre en l'air en m'obligeant à faire des têtes plus grosses que nature. C'est la déviance propre aux auteurs de dessins humoristiques, il y a une quinzaine d'années, il m'arrivait d'avoir encore ce défaut...

Barney Jourdan est le faire-valoir d'un héros gravure de mode. Dans le fond, c'est Tintin et le capitaine Haddock, le même ressort classique : Gil jourdan et l'inspecteur Crouton... Un type fréquentable associé à un autre qui l'est beaucoup moins, c'est presque une nécessité narrative. Les deux sont indissociables, j'aime bien le premier, mais je ne l'aimerais pas s'il n'y avait pas la part d'ombre et de truculence apportée par le second. Dans un récit, j'apprécie la truculence du type qui picole, mais, dans la vie réelle, je déteste cela. Il y a contradiction à ce niveau-là.
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Incommunicabilité, la relation homme-femme

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Ce que j'ai voulu montrer avec certains personnages, c'est cette façon différente que nous avons, hommes et femmes, d'appréhender la vie. Quoi que nous fassions, il y a des divergences. Ce qui rend les femmes bandantes peut nous faire tout aussitôt débander, je pense à cette forme de pragmatisme qu'elles ont parfois. Dans une scène rajoutée dans le tirage de luxe de Boomerang, Lena se déshabille, Jeremiah couché la regarde plein de désir et elle lui parle de l'aménagement de leur salon... De façon humoristique, j'ai voulu souligner ce décalage. La femme (pas toutes !), de par son statut de mère potentielle, tue l'aventure et le rêve dans la tête de l'homme. Je ne dis pas non plus que c'est toujours le cas. Quant à l'homme qui avait lui aussi fait rêver la femme, il conduit également à cet échec. Ce reproche, on peut l'inverser. Dans la plupart des cas, la vie et sa routine se chargent d'aplatir notre part de rêve dans la trivialité.

Dans Zone frontière, Lena est tombée bien bas, son sort n'est pas très enviable car s'ils se sont séparés, Jeremiah et elle, pour suivre le cours de leurs existences, je n'ai pas voulu qu'elle rencontre un homme qui lui assure une situation appréciable, je voulais qu'elle reste dans l'inconfort.... Il n'y aura jamais de happy end, je déteste cela. Pour l'instant je ne prévois pas encore de sort bien particulier, ni pour l'un, ni pour l'autre. Les choses restent ouvertes. Pour moi elle restera le personnage récurrent qui rappellera la permanence de leur amour et son incompatibilité liée à son besoin de sécurité et au refus de sédentarisation de Jeremiah. Il a pris le virus de Kurdy, tout en restant différent. Les héros ne peuvent pas se marier, le chemin que je leur ai tracé ne peut plus s'accommoder de ce genre de situation. J'aurais peut-être dû y penser avant, maintenant il est impossible de changer leur base psychologique, ils sont tordus d'une telle manière qu'on n'arrivera plus à les redresser !
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